Le sport, différemment… est un blog édité par Human’ISC. Son but premier est de promouvoir le sport différent. Par sport différent nous entendons sport alternatif cad handisport et sport adapté. Tout au long de l’année, nous essaierons d’amorcer, de provoquer des réflexions et des discussions autour du rôle du sport vis-à-vis du handicap mais aussi, sur le handicap lui même. Parce que le sport est une formidable école de la vie, il est doit être accessible à tous.


vendredi 14 décembre 2007

Intervention exclusive du Docteur Alain TAIEB pour Human'ISC.

Alain TAIEB est pédopsychiatre, praticien hospitalier au CHU de Meaux (Seine-et-Marne), psychologue clinicien diplômé de Paris V, chargé de cours à l’Université de Lyon II Lumière. Alain TAIEB est aussi médecin généraliste.

Human’ISC : Un point sur les maladies mentales.
Docteur TAIEB : Les maladies mentales chez l’enfant concernent malheureusement beaucoup de personnes. Elles restent difficiles à appréhender parce qu’on ne sait pas bien déterminer à partir de quel moment un enfant est malade mental. On ne sait pas à partir de quel moment on peut parler de maladie dans la mesure où, la plupart des enfants au cours de leur développement, peuvent présenter des troubles mentaux, qui sont passagers, qui peuvent être très spectaculaires comme des tocs (trouble obsessionnel compulsif) des phobies, des troubles du comportement. Ces troubles sont les moyens par lesquels les enfants luttent contre leurs angoisses, malaises les plus partagés dans le monde infantile. Tous les enfants sont envahis par des angoisses, à des degrés plus ou moins importants bien sur. Il y a comme une sorte de continuum entre des symptômes qui vont apparaitre chez tous les enfants, et qui vont disparaitre, plus ou moins, et puis des symptômes qui vont persister, et qui vont finir par envahir tous les champs psychologiques et sociaux de l’enfant.
Cela veut dire qu’un enfant peut connaitre ces symptômes là, mais ils ne vont pas l’empêcher de bien travailler à l’école, d’avoir des relations harmonieuses avec son entourage, d’avoir des interactions sociales correctes. Et puis, il va y avoir au contraire, un enfant dont ses symptômes vont persister de façon aggravée, et vont envahir son champ psychologique c'est-à-dire qu’il aura des angoisses permanentes, actives, extrêmement invalidantes, et qui vont l’empêcher de penser, de travailler, d’entretenir des relations harmonieuses avec sa famille et son entourage social.
D’un côté on aura un enfant dont le développement sera normalement perturbé (tous les enfants ont un développement perturbé) et de l’autre, des enfants qui vont persister dans ces troubles qui vont les empêcher de vivre normalement.
J’en profite ici pour souligner ce que l’on pourrait qualifier de double peine. Il y a dans nos sociétés, que ce soit en France ou aux Etats Unis, des attitudes de peur et de rejet à l’égard des enfants atteints d’une maladie mentale. Non seulement l’enfant est malade, et comme je dis toujours il n’est pas allé au magasin et n’a pas choisi le mauvais article, en ce sens qu’il n’est pas responsable de cette maladie, comme ses parents non plus; et par ailleurs, il va être exclu de la société car malade. C’est pour moi un combat de toujours, et que je perds en permanence, car la société n’évolue pas, ou pas beaucoup, à ce niveau là. J’ai l’habitude de dire que le monde se sépare en deux parties, d’un côté les bienveillants et de l’autre les malveillants. Les bienveillants étant ceux qui sont empathiques pour l’enfant malade mentale, qui se mettent à sa portée, à sa place et qui l’approchent avec une compréhension et un désir de l’aider absolu. Et puis les malveillants qui sont capables de paroles méprisantes à son égard, c’est-à-dire de paroles qui le tuent. Ceci est extrêmement important, car du regard que les gens portent sur le petit malade mentale, va dépendre le regard qu’il va porter sur lui-même. La façon dont nous sommes regardés dans la société, fait que nous nous faisons une certaine image de nous même. On appelle ca le « narcissisme ». A partir du regard d’autrui, je vais me constituer une image de moi-même. Donc soit l’image qui en résulte est bonne et je vais me considéré comme étant quelqu’un de qualité et je vais pouvoir avancer avec une certaine sécurité intérieure. Ou au contraire, je vais avancer dans la vie avec le sentiment que je suis dangereux pour les autres, que je dois être mis à l’écart etc... Il faut vraiment insister sur cette notion de narcissisme : du regard que nous portons sur les enfants malades mentaux va générer un regard plus ou moins bienveillant que l’enfant va porter sur lui-même.


Human’ISC : La trisomie 21 ?
Docteur TAIEB :
Il existe des maladies tout à fait identifiées comme la trisomie 21 par exemple.
Le stock chromosomique de l’Homme est un stock qui contient 46 chromosomes : 22 paires composées de chromosomes autosomiques et une paire faite de chromosomes sexuels. La femme c’est XX, et l’homme XY. Ce qu’on a découvert, c’est qu’un certain nombre d’enfant qu’on ne sait pas encore chiffrer avec précision actuellement dans le monde, ont connu des aberrations chromosomique. Ils ont 47 chromosomes au lieu d’en avoir 46. Le supplémentaire est un 21, d’où l’appellation trisomie 21. La fréquence est difficile à déterminer. Pourquoi ? Les études sont variables. En gros on pense qu’il y a moins de 20% des enfants qui sont concernés, mais cela varie beaucoup. Toutefois, grâce aux détections précoces des examens génétiques (notamment pour les femmes de plus de 38 ans), on arrive à déterminer si l’enfant est atteint de la trisomie 21. La femme a alors le choix de poursuivre la grossesse ou pas. Depuis l’instauration de ces mesures le taux d’enfants atteints de la trisomie 21 a beaucoup chuté.
Les enfants atteints présentent des symptômes physiques caractéristiques de cette maladie (cf LE 7ème jour). En plus de ces symptômes physiques, ils peuvent présenter des malformations vertébrales, génitales, cardiaques. Mais surtout, ce sont des enfants qui présentent, la plupart du temps, un déficit intellectuel constant et plus ou moins important. Ce sont des enfants qui se développent beaucoup moins vite que des enfants normaux. Par exemple ils ne commencent à parler que vers l’âge de 5, 6 ans alors qu’un enfant normal commence à parler vers 1 an ou 2 et gardent toujours un langage qui est plutôt pauvre.
Ce dont ces enfants sont conscients, c’est de leur différence. Et c’est cette conscience qui les fait souffrir. Ce qui est important pour un enfant c’est d’être regardé favorablement par ses parents (ah que mon enfant est beau, ah que mon enfant est intelligent, ah que je suis fier d’avoir cet enfant là). Alors qu’on comprend bien que les malheureux parents qui ont un enfant atteint par cette maladie, ne vont pas vivre les choses de cette manière là. L’enfant va sentir qu’il est différent, qu’il ne comble pas ses parents. Il le sent d’emblée, et ce d’autant plus que son entourage va lui faire sentir : il n’est pas traité comme les autres enfants (les parents vont être hyper protecteurs par exemple).
En plus de cela les gens qu’il va rencontrer dans la société vont évidemment se comporter différemment avec lui.
La souffrance sera d’autant plus amplifiée qu’il est classique de dire que ces enfants la sont des enfants qui sont spontanément dociles, affectueux, et qui ont une quête affective extrêmement importante. Il y a là quelque chose de très douloureux pour eux qui est de percevoir cette différence, ce hiatus entre leur demande très prononcée, et le rejet dont ils sont l’objet.


Human’ISC : L’autisme et ses origines?
Docteur TAIEB :
L’autisme est une maladie beaucoup plus mystérieuse que la trisomie 21 parce qu’elle n’est pas génétiquement déterminée. Actuellement la recherche est en cours, et on ne sait rien. Autant concernant la trisomie 21 on est capable de déterminer ce qui crée l’anomalie. Dans l’autisme il en va de façon complètement différente dans le sens qu’on est devant un tableau, dont on ne connait pas l’origine. Actuellement en 2007, on ne connait pas non plus les origines de cette maladie. On pense que c’est une origine multifactorielle mais nous ne sommes pas capables de dire exactement quels sont ces facteurs. On pense que parmi ces derniers, il doit y avoir des anomalies génétiques et on est en train d’essayer d’identifier les gènes en cause. Il n’y a toujours aucune certitude. La seule piste assez intéressante, que l’on a, concerne ce que l’on appelle le syndrome de l’X fragile (5 a 10% des enfants). X étant le chromosome sexuel. On a identifié un certain nombre d’enfants autistes porteurs de cette anomalie de l’x fragile. Pour autant cela ne nous permet pas d’avoir des thérapies plus adaptées. Il y a d’autres anomalies génétiques qui peuvent être en cause.
L’autisme concerne à peu près 1enfant sur 1 000, ce qui est conséquent, avec une nette prédominance des garçons : à peu près 4 malades sur 5 sont des garçons.
Très souvent, associée à l’autisme, on retrouve une épilepsie.
L’autisme c’est d’abord un syndrome dont on peut dire qu’il va avoir des conséquences très grave puisque on considère que seulement 5 à 10% des autistes diagnostiqués enfants, vont pouvoir devenir des adultes indépendants. L’autiste est un enfant qui va avoir les plus grandes difficultés, voir qui sera dans l’impossibilité d’entretenir des relations normales avec des personnes et à réagir normalement aux situations et ce, depuis le début de la vie. Cette maladie est diabolique car, autant l’enfant trisomique qui sort du ventre de sa mère, est diagnostiqué de suite par son physique caractéristique, autant l’enfant autiste n’a pas de stigmate physique de sa maladie. Ce qui rend très difficile la détection de la maladie. Idéalement, si on veut que ces enfants se développent au mieux de leurs possibilités alors il faudrait faire le diagnostic le plus précocement possible ! Je fais à ce propos des formations aux médecins généralistes visant à permettre une détection de l’autisme dès les premiers mois de la vie. Plus tôt le diagnostique sera fait, plus tôt des mesures thérapeutiques de nature à limiter les dégâts de ce trouble pourront être prises. Ce qui ajoute à la difficulté est l’inexistence d’outils pour aider ce diagnostique.


Human’ISC : Les symptômes ?
Docteur TAIEB : Ces enfants vont se développer dans un isolement extrême, ils vont être repliés sur eux même. Cela va être perceptible dans le registre du visuel dans le sens ou ce sont des enfants qui vont éviter le regard de l’autre. Ils vont fixer un point arbitraire sans pouvoir détacher leur regard ; ou alors ils vont vous regarder furtivement avec des coups d’œil, qui montrent qu’ils ont pris conscience de votre présence, mais qu’ils ne peuvent pas vous regarder directement, du moins ils ne peuvent pas le faire si vous les regardez. Ce sont des enfants qui semblent ne pas voir autrement qu’à travers les personnes c'est-à-dire que leur regard vous traverse, il ne s’accroche pas sur vous. C’est comme si vous n’existiez pas. Ils vont avoir un aspect d’indifférence à tout ce qui les entoure. Dans le registre auditif, ils montrent une telle indifférence à ce qu’ils entendent que l’on a l’impression qu’ils sont sourds. En revanche, ils vont se mettre à avoir des angoisses terribles à l’écoute de certains bruits spécifiques. Par exemple, il est classique de dire que ce sont des enfants à côté desquels il est possible de faire un bazar monstre sans qu’ils ne manifestent quoi que ce soit, qui vont pouvoir rester complètement indifférents pendant des heures, assis sur un divan sans que rien n’attire leur regard, sans s’intéresser à rien. Alors que dès qu’ils vont entendre le bruit d’un aspirateur, ou le bruit de la tondeuse que leur père est en train de passer dans le jardin, cela va déclencher chez eux des paniques. On les appelle des angoisses catastrophiques. Ces signes sont très évocateurs de l’autisme.
A côté de cet isolement extrême qui les caractérise, on peut évoquer leur façon très particulière de manipuler les objets. Les enfants autistes présentent souvent ce qu’on appelle le signe du « cube brûlant ». C'est-à-dire que, quand ils sont face à un objet qui leur est inconnu, un ballon par exemple, ils vont avancer leur main vers l’objet, puis ils vont la retirer brusquement, comme si le ballon était un feu. On a l’impression qu’il n’y a pas de jeu possible avec les objets, ou alors seulement avec des objets qu’ils connaissent parfaitement bien. On ajoutera à côté du « cube brûlant », le signe du « faire semblant ». L’enfant normal est capable de jouer à un jeu dont le principe est de faire semblant. Les enfants autistes ne savent pas faire ca, ils ne savent pas faire semblant.
On dit que ce sont des enfants qui ne possèdent pas d’attitudes anticipatrices : normalement, quand une maman s’approche de son bébé, il lui tend les bras. Cette attitude est inexistante chez l’autiste. Ils n’anticipent pas l’action.
Par ailleurs, ils ont aussi un défaut d’ajustement postural, c'est-à-dire que leur corps n’est pas adapté à ce qu’ils doivent faire : ils sont soit hypertoniques (raide) soit hypotoniques (mou, poupée de chiffon).
De plus ce sont des enfants qui ont des troubles du langage constants. Ils poussent des cris monocordes, qui ne sont pas adressés (à l’autre) c'est-à-dire sans aucune intention sociale. C’est comme s’ils refusaient de parler : on appelle ca le mutisme. D’autres vont présenter ce qu’on appelle des écholalies : cela consiste à répéter en boucle certains mots.
Là encore, ces enfants prennent très vite conscience de leurs différences. Ils gardent la conscience des choses, notamment lors des interactions sociales. Ils auront toutefois du mal à l’exprimer avec des mots, notamment à cause de ce mutisme. Les spécialistes travaillent beaucoup sur la communication avec ces enfants, en passant par le jeu, le dessin, la pâte à modeler ainsi que d’autres techniques. On arrive alors à « rentrer » autant que faire ce peu dans le monde psychique de ces enfants.
Ce sont des enfants qui ont besoin d ‘un cadre environnemental immuable. Le moindre changement les angoisse. Ils ont besoin de ce que l’on appelle une stabilité absolue des repères, sinon cela entraîne chez eux des angoisses majeures, voir un effondrement psychologique.
Ce sont des enfants qui vont présenter ce qu’on appelle des stéréotypies c'est-à-dire des gestes toujours répétitifs et toujours les mêmes. Ils vont marcher sur la pointe des pieds. C’est ce qu’on appel l’effleurement du sol, et est très caractéristique de l’autisme. Ce sont des enfants qui ne vont pas se développer dans un climat de désir, mais de répétition mécanique.
Ce sont des enfants qu’il va falloir aborder avec beaucoup de tact car certaines attitudes peuvent être interprétées sur un mode extrêmement intrusif. Ils vont paniquer complètement. Un exemple, il ne faut jamais approcher un autiste par le dos : cela déclenche chez eux des paniques incontrôlables.
Evidemment je n’ai pu être exhaustif, il y a tellement de chose à dire. Il y a des milliers d’ouvrages qui traitent de l’autisme, le but était ici, d’en faire une présentation. Il est connu de dire qu’en médecine, moins on en connait sur un sujet, et plus on en parle, moins on sait soigner une maladie, et plus il y a de médicament pour la soigner.
Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de traitement médicamenteux de l’autisme, il n’y a que des traitements symptomatiques. Ce sont des traitements qui viennent en aide aux enfants lors de crises lorsqu’ils sont trop agités, ou qu’ils s’automutilent par exemple. Ce qui va être efficace dans le meilleur des cas, c’est tout une panoplie de mesures que l’on va mettre à leur disposition, qui sont des mesures d’ordre psychologique d’abord ; c'est-à-dire une prise en charge par des psychothérapeutes ou des psychanalystes, puis des mesures d’ordre cognitive. Ce sont des méthodes adaptées à leur facultés intellectuelles pour leur apprendre à s’habiller, à se déshabiller, à manger normalement, à regarder dans les yeux etc. : des mesures éducatives, dirons nous. Aussi on prendra des mesures sur le plan social, scolaire : ce sont des enfants que nous essayons de scolariser le plus longtemps possible dans les circuits normaux, mais avec des auxiliaires de vie scolaire (AVS). Des mesures comme l’orthophonie, la psychomotricité etc... sont aussi utilisées. Ce sont toutes ces mesures là qui vont nous permettre d’aider le jeune à se développer au mieux de ses possibilités. C’est un combat de tous les instants. Combat pour les médecins et les soignants, mais surtout combat pour l’enfant et sa famille. Si on pouvait arriver à transmettre le profond respect que j’ai pour ces enfants et leurs familles ce serait déjà une belle avancée. Non seulement ils sont atteints d’un handicap lourd, mais en plus ils sont exclus.


Human’ISC : Une guérison est-elle possible ?
Docteur TAIEB : Dans le meilleur des cas, quand on arrive à bien travailler et que les facteurs clés de réussite sont réunis, on estime que l’enfant va se névrotiser. Leur vie sociale sera à peu près normale. J’ai l’habitude de dire que la pédopsychiatrie est en retard d’à peu près deux à trois siècles par rapport à la médecine du corps.
Toutefois, on estime à environ 25% le nombre d’enfants atteints, ayant un niveau intellectuel normal. On a également identifié des autistes savants. Ce sont des enfants qui vont développer des capacités intellectuelles exceptionnelles, mais dans des domaines très particuliers et restreints. Par exemple des calculateurs.


Human’ISC : Comment aider, que faudrait-il faire ?
Docteur TAIEB : Dernièrement, j’assistais à un colloque organisé par le Docteur Chabane, une des meilleures chercheuse sur l’autisme, et qui disait qu’une des grosses difficultés qu’elle rencontrait était d’intéresser des partenaires financiers aux recherches sur l’autisme. Ca ne les intéresse pas, et ce pour plusieurs raisons. Il y à évidemment des raisons de rentabilité. L’autisme ne concerne en effet que très peu de patients, il y a très peu de débouchés pour les médicaments. Les laboratoires n’investissent donc pas. Il est possible de les intéresser quand les médicaments peuvent s’utiliser sur toute la durée de la vie du patient.
Plus globalement, le mieux serait de pousser les politiques à développer des actions de santé, de nature à répondre aux besoins. Il faut prendre des mesures précises directement au profit des enfants autistes. Il y a un manque criant de place dans les hôpitaux de jours. Dans mon inter secteur, on a un hôpital de jour que nous avons réussi à créer après 25 ans de combat. Nous avons réussi à arracher 18 places. Il en faudrait dix fois plus. Alors on aboutit à des sélections drastiques. J’ai certains parents aux côtés desquels je me bats depuis des années pour avoir une place dans une institution, et que faute d’y arriver même après avoir écrit au député, au Ministre de la Santé, au Président de la République, au Défenseur des Droits de l’Enfant, on en est arrivé à la conclusion que la détresse des familles n’intéressait personne. En plus de cette prise de conscience, il faudrait des moyens, des financements. On pourrait imaginer un plan autisme calqué sur le plan Alzheimer. Il n’y a pas de véritable politique mise en place. Même en ce qui concerne la formation. En France on a un manque criant de pédopsychiatres. Ces filières ne sont pas mises en avant, et un étudiant en médecine a tout intérêt à se spécialiser en radiologie, ou d’autres spécialités notamment d’un point de vue financier.


Human’ISC : Le sport adapté, qu’en pensez-vous ?
Docteur TAIEB : Le sport ? C’est très important ! Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce qu’on cherche à faire avec ces enfants c’est de valoriser les compétences qui sont les leurs pour in fine, en développer au maximum. D’un côté on développe leurs compétences, et de l’autre, en parallèle, on cherche à les valoriser.
On comprendra bien qu’un enfant autiste tel que nous l’avons décrit peut avoir du mal à se déplacer. Mais dès lors que vous lui trouvez un domaine spécifique dans lequel il va être compétent, que ce soit de la natation, du golf ou autre, pourvu que ce soit une activité adapté à ses possibilités, il va pouvoir démontrer ses compétences. Il donc va être valorisé, il va pouvoir bénéficier de l’attention d’un adulte attentif, bien formé et qui va porter sur lui un regard optimiste, un regard valorisant : et bien cet enfant va progresser de manière extraordinaire. Lui qui est sans arrêt rejeté parce que différent, va enfin pouvoir trouver un domaine dans lequel il va pouvoir exceller éventuellement. Un domaine dans lequel il va courir s’il choisit l’athlétisme par exemple, où il va y avoir des centaines de gens autour de lui qui vont l’applaudir. Lui, l’enfant anormal, l’enfant fou. Imaginez à quel point cela peut être important. L’enfant peut alors ressentir une certaine fierté de lui-même : enfin, il est comme les autres, enfin ses parents sont fiers de lui, enfin le monde porte sur lui un regard positif. Le sport est un domaine fabuleux. C’est pourquoi nous insistons vraiment pour que l’enfant ait une pratique sportive. Le sport les narcissise. Dans l’image d’eux même, ce sont des enfants qui vont se restaurer. Alors évidement, à partir de cette réhabilitation narcissique et bien par effet de contagion, un enfant qui prend confiance en lui, ça va pouvoir idéalement s’étendre à d’autres domaines que le sport. C’est fondamental ! C’est quelque chose d’extrêmement important. Alors quelques fois il faut beaucoup chercher pour trouver le sport qui convient, car la pratique sportive n’est aisée pas pour eux : rien n’est facile pour un autiste. A priori tout est angoissant puisque ce sont des enfants qui ont peur de tout, notamment des interactions sociales. Alors quand on leur dit qu’aujourd’hui on va allez faire du cheval (j’ai beaucoup d’enfants autistes qui font du cheval) a priori ils ont peur. C’est une nouveauté qui va forcément les effrayer. Dès lors qu’on va pouvoir les rassurer, les mettre en confiance, leur montrer qu’ils peuvent réussir, et bien petit à petit, ce sont des enfants qui vont prendre confiance en eux, et qui peuvent devenir excellents. Ce sont les facteurs clés de succès. Pour ces enfants qui se développent sans plaisir, qui vivent dans un monde stéréotypé, un monde froid, d’incommunicabilité, de rejet, le sport leur permet d’enfin éprouver du plaisir avec leur corps, alors même qu’ils en possèdent un qui est un corps de rituels, de souffrances, qui ne procure jamais de plaisir. Du plaisir aussi parce qu’enfin on va les regarder comme les autres !
J’ai d’ailleurs un de mes copains dont le fils est atteint d’une épilepsie gravissime. Et il me racontait dernièrement à quel point il excellait en natation. C’est un champion de natation. Les performances des enfants handicapés sont parfois très proches des performances réalisées par des enfants dits normaux. Il me semble même qu’il y ait des compétitions dans lesquelles on peut opposer des handicapés et des non handicapés.
Je vais parler de l’équitation, parce que comme je l’ai dit précédemment, beaucoup de mes patients font de l’équitation. Il y à un rapport extraordinaire avec l’animal, il ne les regarde pas avec un regard particulier. Ajouté à ce regard naturellement doux du cheval un contact physique agréable, le monter devient le seul domaine où ils sont comme les autres. Bien sûr il faut leur apprendre à manier le cheval, mais une fois cela fait, c’est un domaine extraordinaire pour ces enfants.
Dans la mesure où le sport normalise ces enfants, il est irremplaçable. C’est un bonheur aussi pour les familles de voir cet épanouissement.
L’autre avantage du sport, est la structure que cela leur apporte. Pour réussir il faut respecter les règles. Le sport les structure.


Human’ISC : le Sport adapté oui, mais comment ? à quoi ?
Docteur TAIEB : Ce sont des enfants qui sont inhibés, qui ont du mal à gérer leurs émotions. Ils ont besoin d’être rassurés, mis en confiance. Il faut faire en fonction de leurs particularités.
Par exemple, ils assimilent mieux l’information visuelle que l’information auditive : ils peuvent plus facilement raconter une scène qu’ils ont vue sur un dessin, qu’une histoire qu’ils ont entendue. Ce qu’il faut c’est avoir avec eux, un support didactique visuel c'est-à-dire illustrer les propos. Ce sont des particularités qu’il faut connaitre. Ce sont des enfants qui ne comprennent pas toujours les messages verbaux. Il faut leur apporter l’information de manière adaptée et structurée, car ils ont du mal à se structurer eux même. Ils vont rechercher dans l’environnement la structure qu’ils n’ont pas. Il faut alors être très structuré dans ce qu’on leur apprend. Ce sont des enfants qui ont des difficultés pour accomplir une tâche dans son ensemble si on ne la décompose pas. Ils ont du mal à avoir une vision d’ensemble des étapes nécessaires. Il faut être très pratique et décomposer les tâches. C’est à travers ces situations concrètes que l’enfant va être intéressé directement et qu’il va pouvoir petit à petit se structurer et réussir. De même que, ce sont des enfants qui ont une bonne mémoire à long terme. A contrario, leur mémoire à court terme est moins performante. Il faut donc proposer des activités de courte durée, à alterner avec des pauses. Leur attention est attirée par des tas de parasites provenant de l’environnement extérieur. Il faut en tenir compte et essayer de les éliminer, pour que leur attention ne soit pas distraite par autre chose que ce que vous êtes en train de leur montrer.
Il faut adapter à cela la pratique sportive. Adapté le sport ca veut dire former des éducateurs sportif de façon précise et spécifique a ce type d’enfant.
Ce qu’il faut comprendre c’est que les troubles de leurs comportements renvoient à des angoisses profondes. Dès lors qu’on arrive à les calmer, à les rassurer et à les structurer, ce sont des enfants qui peuvent être capables du meilleur.

Aucun commentaire: