Franck NICOLLEAU est docteur en droit et avocat au Barreau de Paris. Il est l'auteur d'une thèse sur le pouvoir des fédérations sportives, co-auteur du Lamy " Droit du sport " et du guide pratique des activités physiques et sportives (Ed. Dalian). Il enseigne également le droit des affaires à l'Université Paris XIII et le droit du sport à l’Université Paul Cézanne à Marseille.
Son livre "Où va le sportif d'élite? : Les risques du star system" est disponible sur Amazon.fr
http://www.amazon.fr/O%C3%B9-sportif-d%C3%A9lite-risques-system/dp/2247065643/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1198185400&sr=8-1
Human’ISC : Pourquoi ce livre ? Quelle optique ? Quelle réflexion ?
Franck NICOLLEAU : C’est très simple, tout d’abord, ce sont les Editions DALLOZ et l’Institut PRESAGE qui m’ont démarché afin d’écrire ce livre. Ils cherchaient un auteur spécialisé dans le sport, ce que je suis. L’esprit de l’ouvrage est de s’engager. Les auteurs sportifs sont très descriptifs et ont une tendance à se recopier les uns sur les autres. Arrêtons de lire ce qu’écrit untel ou untel, de le remanier pour au final écrire la même chose. J’ai alors voulu faire un ouvrage prospectif. Au lieu de décrire un état, une situation actuelle, je voulais savoir ce que l’avenir nous réserve. Où va le sportif d’élite ? Le but du jeu, de façon un peu présomptueuse, était de faire un bouquin de référence, qui serait repris dans 50 ans afin de voir les différences. C’est une manière d’avoir une trace de ce que l’on présageait de l’avenir, selon les connaissances des années 2000. En prenant l’exemple de la musculature des sportifs, lorsque l’on regarde 10 ans en arrière, elles étaient totalement différentes. Maintenant, chaque sport a une musculature particulière. Et dans 50 ans, qu’en sera-t-il ? J’ai voulu avoir cette réflexion d’un point de vue juridique, sociologique, économique etc... Certains auteurs n’ont pas joué le jeu à fond, mais je dois avouer qu’il est très difficile de demander à un auteur de se lâcher complètement. La peur de l’erreur grossière est forte.
Pour ma part, qui dit sport d’élite, dit limites. Limites humaines, limites physiques. Si on prend le 100m par exemple. Le record du monde est de 9 secondes 74 (détenu par Powell). Il y a un moment où, humainement, il ne sera plus possible de descendre en dessous d’un certains temps, disons 9 secondes par exemple. Pourtant, dans l’esprit d’un sportif un record est fait pour être battu. Rien ne sert de lui dire que c’est impossible. Dans le sport il y a nécessairement cet esprit humain de conquête humaine : l’humain ne sait pas voler, il invente un avion ; l’humain ne sait pas respirer sous l’eau, l’humain invente des bouteilles d’air comprimé ; l’humain ne sait pas courir en dessous de 9 secondes, il invente des stéroïdes anabolisants. Bien sûr, on pose ici le problème du dopage.
On est dans une société où de plus en plus on prône la performance. La volonté première d’un sportif de haut niveau est d’être le plus fort. C’est la conquête de la gloire. On a posé la question suivante à grand coureur cycliste: imaginons qu’il existe un produit dopant indétectable qui vous permet d’être le champion des champions, mais vous mourrez à quarante ans. Que faites-vous ? Sans hésitation il le prend et témoigne qu’il préfère mourir à quarante ans et rentrer dans la légende du sport, que de vivre jusqu'à 80 ans comme tout le monde. Le sportif d’élite ne veut pas être comme tout le monde.
Alors je pense que le sportif d’élite s’insère dans une relation économique proche de celle du spectacle. Il devient un acteur de spectacle. Quand on va voir un professionnel de la musique, on attend un spectacle. Je pense que maintenant, quand on paie un billet pour aller voir un match de foot, ou un 100m, on n’attend pas à ce qu’un sportif nous donne une performance égale à celle de l’amateur. On attend un spectacle. Le sportif actuel est devenu dans la même relation qu’un chanteur au sens où il doit donner un spectacle. Il doit jouer non seulement pour un résultat, mais aussi pour des supporters, pour ses sponsors pour des contrats etc... : il devient une star. Et l’on n’excusera pas un sportif qui est un peu moins en forme, de la même manière que l’on ne pardonnera pas à un acteur de théâtre d’être mauvais. J’ai payé ma place, tu es un professionnel, alors j’attends une prestation digne de ce nom. Je pense qu’un sportif professionnel va devenir de plus en plus un personnage de spectacle. L’épisode de Canal + avec les droits télévisés de Ligue 1 de football l’illustre parfaitement.
Pour conclure, je dirais que dans 50 ans le sportif sera un surhomme. Il commence à l’être. Je pense qu’on va vers le surhomme, car on est dans une société ou l’on aime les héros. On va vers un sport d’élite surhumain, ou le surenchérissement des performances plait. Le sport spectacle va créer du surhumain.
Human’ISC : L’apport du sport sur un point de vue personnel.
Franck NICOLLEAU : d’un point de vue personnel, le sport est un épanouissement évident. Je cite toujours cet exemple : quand tu joues un match de football, et que tu marques un but, ca te crée une telle joie qu’elle en devient indescriptible, alors même que tu as fait quelque chose de spécialement inutile. Qu’on s’entende, la valeur absolue de mettre un ballon dans un filet est nulle dans le sens où l’on n’a pas produit de richesses, où l’on n’a pas été utile à la société etc... Pourtant, la joie qui en découle est si intense, que peut être est-ce une expérience unique. A part peut-être la naissance d’un enfant, un mariage, ou le fait d’avoir secouru quelqu'un qui peuvent être aussi jouissif, le sport a cette formidable magie de vous procurer une joie unique qui surpasse la « joie normale » de la vie de tous les jours.
Quelqu'un qui ne fait pas de sport, et qui n’en a jamais fait, c’est quelqu'un qui perd quelque chose de précieux. Cela apporte un épanouissement ainsi qu’une santé de fer. Attention à ne pas confondre avec la santé d’un sportif de haut niveau qui n’a rien à voir.
Aussi, le sport m’apporte un certain équilibre, une vie en communauté, et m’oblige à accepter la défaite. Ce qui est très dur dans la vie. Accepter la défaite c’est accepter le fait de se faire battre par quelqu'un qui peut être différent de toi (d’une couleur différente, d’une origine différente etc...).
Le sport véhicule des valeurs, c’est évident. Pour ma part, je pense que ses véritables valeurs sont le dynamisme, le courage, l’abnégation, et le respect du résultat.
Human’ISC : Que dire sur le handisport et le sport adapté ?
Franck NICOLLEAU : Je pense que pour quelqu'un qui n’est personne, le sport permet de devenir quelqu'un. Par exemple si tu joues au foot tu es soit libéro, avant-centre, milieu droit et ce pendant 90 minutes. Ce jour là tu es quelqu’un. Tu existes. Tu es utile, on compte sur toi. Si tu es bon c’est toi qui gagnes, et tu existes.
J’entends par ne pas exister ne pas être visible. Combien voit-on d’handicapés dans Paris ?
De plus, leur existence passe par leur handicap. Elle se résume à lui. On reconnait un handicapé non pas comme étant une personne, mais comme étant handicapé : on aura remarqué le handicap avant de reconnaître la personne.
Le sport leur permet d’exister pour eux, et vis-à-vis d’autres participants. Ce jour là, quand ils font du sport, il faut qu’ils tiennent leur place. Ils en ont enfin une, et c’est une place stratégique puisque l’enjeu principal est de gagner. Alors tu oublies tout l’espace d’un instant. Rien que pour ça je pense que le sport peut être un épanouissement psychologique important.
Mais avant tout, le sport apporte cette joie si particulière. La personne handicapée va, comme tout le monde, la ressentir. Ce qui va avoir pour conséquence d’atténuer ce sentiment de différence.
Le sport c’est avant tout une recherche de bonheur. Atteindre une performance est une forme de bonheur. Le sport égaye leur vie, une vie qui est adaptée, et je crois en l’épanouissement d’une personne handicapée, à travers le sport.
Pour en savoir plus, "Où va le sportif d'élite? : les risques du star system" disponible sur :
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Le sport, différemment… est un blog édité par Human’ISC. Son but premier est de promouvoir le sport différent. Par sport différent nous entendons sport alternatif cad handisport et sport adapté. Tout au long de l’année, nous essaierons d’amorcer, de provoquer des réflexions et des discussions autour du rôle du sport vis-à-vis du handicap mais aussi, sur le handicap lui même. Parce que le sport est une formidable école de la vie, il est doit être accessible à tous.

jeudi 20 décembre 2007
Franck NICOLLEAU, auteur spécialiste du sport nous donne son avis.
Libellés : Handisport, Sport Adapté
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